La lettre de démission d'un ex-membre du CEVU

Publié le par étudiants des ag de nantes

Comme la démision d'une partie des membres du CVU fait partie de l'actualité, voici un élément pour l'illustrer:

Lettre ouverte au président (dictateur) de l'université de Nantes

Monsieur le président, je vous écris, en tant qu'élu au CEVU (conseil des études et de la vie Universitaire) organe garant des libertés des étudiants.
Le Conseil du 15/11 a statué qu'il n'était pas de son ressort d'imposer de quelque manière que ce soit à un mouvement étudiant ses modalités de fonctionnement. En l'occurence, si le mouvement étudiant en cours actuellement à l'université de Nantes, tout comme dans de nombreuses universités, a décidé de recourir au vote à main levé, après vérification de l'inscription dans tel ou tel UFR, il en va de sa souveraineté.
Que diraient les institutions universitaires sur les modalités de fonctionnement d'un mouvement des personnels? Rien bien évidemment.

Je tiens à vous rappeller plusieurs choses. La dernière Assemblée Générale des étudiants de Lettres et sciences humaines a réuni selon les bureaux de contrôle près de 2600 étudiants. Ce qui fait un quart des étudiants de l'ensemble. Quand on sait que, comme il est explicité sur le site de l'université, les dernières élections ont vu un nombre de votant de 1700, et un nombre de vote exprimé de 1600 étudiants, le tout sur deux jours. Quand on sait que, lorsque les élections se déroulaient sur une seule journée, il n'y avait pas plus de 900 votants, on peut se demander ou se trouve la légitimité. Dans une boite ou dans le nombre de votants?
Apparemment vous êtes de ces gens qui considèrent le vote à mains levés comme une gagure, mais sans jamais le remettre en cause dans les conseils ou nous sommes. Belle plaisanterie. Les étudiants et les étudiantes sont ils à ce point mineurs à vos yeux?
Monsieur le président, imaginez ce qu'il m'en coûte de vous donner du monsieur, vous avez été élu.
Elu par les représentants des personnels, enseignants comme non-enseignants, et bien entendu par les représentants étudiants. Je ne regrette pas mon vote. Puisque Vous avez une notion du dialogue envers les étudiants qui consiste à envoyer par deux fois les forces actives de l'ordre publique pour enfin demander aux organisations syndicales de dialoguer.
Votre conception du dialogue est bien révélatrice des changements qui s'opèrent au sein de notre société. La présidence de la république voulant réformer et renforcer les pouvoirs de l'executif, il en est de même dans les universités grace à la LRU. Je comprends votre enthousiasme vis à vis de cette loi. Vous allez vous retrouvez avec un pouvoir que nombre de vos prédécésseurs révaient. Pouvoir sur les personnels, les biens de l'université, pouvoir de recruter qui vous semble, qui vous plait. Pouvoir de réduire des UFR récalcitrant d'une motion de CA. Pouvoir de donner ou de faire disparaître les primes à tel ou tel personnel. Pouvoir de vendre des batiments pour combler les trous. Pouvoir de grandir la renommée d'une université, en cherchant des soussous pour une recherche qui est et restera aux bottes des groupes industriels. Ah que le pouvoir est grisant. Il est tellement grisant, que vous avez déjà oublié par qui vous aviez été élu! C'est juste, comment ne pas répondre favorablement à un gouvernement qui vous donne tant de pouvoir et vous demande, gentillement sans aucuns doutes, de limiter par tous les moyens possible la contestation de ceux et celles qui veulent préserver leur outil.
Vous nous direz que ce n'est pas votre conception, que vous allez aménager la chose (la LRU) pour rester le plus possible dans la concertation, dans le dialogue, qu'il faut des gardes fous. Ceux ci n'esxitent pas dans la loi. Et ainsi que le dit l'adage, les prommesses n'engagent que ceux qui les tiennent. Quant à votre conception du dialogue, nous en avons déjà parlé.
Votre argumentaire suivant est simple, il est le même que notre ministre. Je ne sais pas lire une loi. Si c'est le cas, comme l'ensemble des étudiants et des étudiantes, il est dans ce cas là certain que le système est en faillite, que nos professeurs sont des minables qui n'ont jamais su nous inculquer quoique ce soit tant nous sommes des ignares, des abrutis et des cancres!
Alors, forcement nous sommes des gauchistes. En tant que sociologue, j'aimerai bien être financé pour vérifier la thèse selon laquelle une grande part des étudiants et étudiantes de l'UFR droit de l'université de Nantes appartiennent à une organisation classée « d'extrème gauche », puisqu'ils ont voté pour le blocus.
Bien sûr, et je le comprend, vous pensez aux étudiants les plus fragiles, les plus en difficultés financièrement. Je sais que ce n'est pas facile de travailler en faisant des études, je le fais à plein-temps depuis 9 ans. C'est bien pourquoi les étudiants se battent. Mais il est difficile de se battre pour la qualité et l'accès aux études, quand on a plus accès aux études. Les étudiants les plus fragiles, les plus pauvres, sont ceux qui actuellement défendent leurs intérêts. Bien entendu ce ne sont pas les votres. C'est la lutte des classes dans le champ sociologique universitaire. Quand on a un beau bureau et un beau siège, qu'on pense tranquillement à sa carrière, qu'il est bon de se couvrir de compassion, n'est ce pas?
Pardon. J'oublie que l'occupation des locaux universitaires, d'autant plus la nuit, est illégale. Mais pour faire des parallèles historiques, les ouvriers occupant illégallement leurs usines sous le front populaire n'ont guère été inquiété. Il n'en est pas de même actuellement quand il s'agit de revendiquer un toit pour tous, ou quoique ce soit. C'est bien politique. C'est toujours politique. Que dit on aux paysans de la FNSEA qui brûlent des pneux, ravagent des locaux de ministre de l'écologie, qui cassent les Grandes surfaces? Rien! Que dit on aux étudiants, vous le savez, vous nous l'avez dit, ça tient en trois lettres: CRS.
Pourquoi faites vous cela? Simple. Vous vous battez pour une conception de la démocratie qui vise à donner le pouvoir à une seule personne. Pour renforcer l'executif, le tout au service d'une pseudo éfficacité. Efficacité au nom de quoi? Les enseignements seront ils mieux assimilés par les étudiants? Le taux de réussite, l'accès à un esprit critique et citoyen sera t-il plus important? Que neni! Un enseignant-chercheur qui dit avant l'entrée à l'université: « au vu de tes notes tu n'es pas fait pour ça. » est suffisament intimidant pour un lycéen pour qu'on ai pas à employer le mot selection. Il s'agit bien de faire faire des études courtes et simples au plus grand nombre, et de garder les possibilités de recherche pour une élite. C'est ça votre démocratie? Qu'elle est laide!
Les étudiants et les étudiantes en lutte actuellement en vivent, en construisent une autre. Non pas parfaite. Mais ils l'expérimentent. La démocratie demande du temps, des débats, des discussions, des consensus. Il s'agit de prendre en compte les avis de chacun autant qu'il est possible. Il s'agit de donner le parole à tous et toutes, de manière égale. Il s'agit de déconcentrer le pouvoir, d'éviter les blancs seings que nous vous avons donner. Il s'agit de contrôle, si une personne doit parler de son chien et parle de son chat, cette personne est révocable et révoqué. Tout ces gens qui fréquentent VOTRE université, puisqu'il vous est possible de la fermer sans consulter les acteurs, les usagers selon vos mots, tout ces gens sont responsables et justement prennent leurs responsabilités. Face à des attaques, ils se défendent. C'est bien là, la preuve d'une grande valeur. Face à toute la résignation qui impregne notre temps vis à vis de l'ordre établie qu'on nous dit immuable et éternel, ces gens que vous méprisez manifestement se lèvent.
Nous n'avons pas la même conception de la démocratie, c'est manifeste. Je ne serai pas en tant qu'élu une caution pour votre mascarade, pour votre pseudo cogestion. M Chevenement disait qu'un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne.
Un grand historien disait que la barricade n'a que deux côtés, vous avez manifestement choisi le votre.

Prennez cette lettre comme l'expression de ma démission immédiate et définitive. Comme l'expression de ma volonté de changer ce vieux monde dont vous incarnez de manière significative la décadence.

Guillaume Cavé Etudiant en L3 de sciences de l'éducation. Elu au CEVU Nantes
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