texte de soutien du collectif N.E.U.F.(Penser la énième crise étudiante)
Après autorisation du collectif N.E.U.F. , nous publions le texte distribué aux étudiants manifestants jeudi 22 novembre et remis à la presse locale. Nous remercions encore une fois le collectif pour son soutient et l’apport de cette réflexion. Voici la copie de la version pdf:


L’association NEUF - Nantes Est Une Fête - s’associe à la manifestation appelée par les
étudiants en grève contre la loi LRU, ce jeudi 22 novembre 2007 à Nantes et apporte sa modeste
contribution à qui veut la lire. Ce texte vaut communiqué de presse.
Aujourd’hui, dans le contexte de l’hyper-présidence française, appuyée à la fois sur
une omniprésence médiatique singulière et sur le dévoiement des principes
constitutionnels, il importe de continuer à penser les évènements et les dynamiques de la
société, au delà des poncifs et des préjugés. A l’observer dans ses qualités propres et ses
défauts, nous proposons de penser le mouvement étudiant contre la loi LRU comme autre
chose que le produit mécanique et dérisoire de l’immaturité et de la manipulation d’une
poignée d’étudiants de filières peu valorisées.
C’est d’abord une modification du regard des adultes insérés, à l’Université et
ailleurs, des journalistes, des autorités qui fait de l’étudiant gréviste, praticien du blocus,
un déviant. La mémoire des faits sociaux est bien faible et les comportements reprochés
aux étudiants d’aujourd’hui sont tellement en retrait des pratiques du passé que cela
pourrait en être risible. Ce que la société a autorisé, voire encouragé, il y a peu encore,
elle le dénie maintenant aux nouvelles générations. C’est ainsi que les temps changent et
que le contrôle social s’appesantit sur les nouveaux entrants dans la société. Nous ne
sommes plus dans une société de la bienveillance.
C’est ensuite le déni de l’état actuel de l’Université française, qui traverse, depuis
longtemps déjà, une grave crise morale et matérielle, et qui attend une vraie réforme,
radicale. Comment remobiliser l’Université, y développer bien mieux qu’aujourd’hui la
qualité, dans toutes ses composantes : excellence internationale, qualité de la recherche,
mais aussi qualité des enseignements, promotion sociale, insertion professionnelle,
formation sociale, culturelle et citoyenne, autour de la connaissance et du développement
humain. Anonymat, pauvreté matérielle, anomie, incohérences, retards de
développement, le nouvel arrivant peut empiriquement constater qu’il y a un gros
problème.
Ce constat de dégradation de l’Université française que décrit en détails, par
exemple, Xavier Dunezat, enseignant-chercheur démissionnaire, qui a préféré retourner
travailler en lycée - http://www.liens-socio.org/article.php3?id_article=2874 - porte
d’abord sur les défaillances en matière d’enseignement : désert relationnel, silence
informationnel, conflictualités multiples, dédain des trois premières années de formation,
mépris des étudiants, les conditions d’un bonne construction des enseignements pour les
étudiants et d’une bonne appréciation des étudiants eux-mêmes ne sont pas réunies. La
seule valorisation de la recherche dans les carrières des personnels agit aujourd’hui
comme un outil de destruction des enseignements offerts aux étudiants, notamment des
premières années. Que dit la loi LRU sur ce point crucial, rien de consistant. Une
recherche reconnue internationalement peut-elle se construire sur des enseignements et
un rapport aussi désastreux aux étudiants et sur de si faibles moyens ? On peut penser que
la grève étudiante constitue elle-même une réponse implicite ou inconsciente à cette crise
objective de l’Université, car la grève est génératrice du lien social qui fait défaut au sein
de l’Université, paradoxe presque extravagant. La grève contre la réforme peut être tout
aussi bien entendue comme un appel à la réforme.
En effet, la loi LRU, quand on prend le temps de contrôler son contenu, est
typiquement un texte de l’ambiguïté. Appuyée sur la lettre du candidat Nicolas Sarkozy
aux présidents d’Université du 14 février 2007, acceptée cet été par des syndicats
étudiants en échange d’engagements financiers non tenus par le gouvernement, de l’avis
même du président de l’Université, elle a les allures du verre à moitié plein ou à moitié
vide. Oui, la loi LRU ne change pas fondamentalement le système universitaire et, en
même temps, elle autorise à son terme presque tous les changements possibles, prenant
alors l’allure d’un texte de dérèglementation sévère. A voter des textes ambigus, négociés
et acceptés sur des promesses ambiguës, on prend le risque de déployer l’ambiguïté dans
le réel. C’est à dire qu’on rend les débats et les prises de position ultérieures
particulièrement difficiles. Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent et le
gouvernement par la confusion est à l’évidence un mauvais gouvernement, producteur
des désordres qu’il dénonce.
Nous venons d’évoquer le regard méfiant sur la jeunesse, l’état lamentable de
l’Université française, une politique gouvernementale publicitaire et illisible, que chacun
peut relire à la lumière de l’autoritarisme solitaire du président de la République - la Loi
LRU devient alors un tout autre texte. Ces trois phénomènes se mêlent localement pour
produirent la situation conflictuelle que l’on connaît.
L’Université nantaise, énorme entité [comment pratiquer la bonne gouvernance
avec 32000 étudiants, 2800 personnels statutaires et 1400 vacataires ?] mais pas
spécialement bien placée dans le concert général des concurrences et des ressources
universitaires, qui attend toujours son véritable plan de rénovation, des investissements à
la hauteur de ses effectifs, qu’a-t-elle à gagner à l’application sarkozienne de la loi LRU ?
Sommes-nous dans le bon wagon ? Qui peut affirmer avec certitude que ce qui reste de
l’effet côte ouest suffira à nous faire monter dedans ? Pas le Conseil d’Administration de
l’Université de Nantes qui s’est prononcé très largement contre les principes de la loi
LRU en juillet 2007. Alors s’agit-il de toute autre chose ? D’un bon maillage du territoire
de la République avec des formations et une recherche de qualité, avec des moyens
dignes de ceux d’un pays développé, d’une vraie politique publique de la réforme ?
Pour clore notre modeste contribution à la lecture des évènements, les étudiants
grévistes, qui, finalement ont peut-être bénéficié d’une bonne formation en lycée, savent
que la démocratie est un ensemble de pratiques diverses et contrastées, dans lequel le
vote n’est qu’un outil parmi d’autres. Quelles autres catégories sociales arrivent à
pratiquer aujourd’hui des formes de démocratie directe respectant à la fois le face à face
et des normes d’échange librement construites ? Où est la maturité ? Dans notre société
plurielle, c’est la participation et la recherche de consensus construits sur des rapports de
force qui doivent primer sur l’affrontement. Matraquage médiatique, lock-out avec vote
électronique sommaire ou recours récurrent aux forces de police, dont le discrédit devient
alarmant auprès des jeunes générations, ne concourent pas à la recherche du consensus, à
la formulation d’un contrat social local entre les différents acteurs. On ne peut à la fois
demander aux étudiants opposés à la loi LRU d’être plus organisés, plus fiables, de se
donner des représentants et les harceler. Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la
rage.
On pense bien à vous.
L’association Nantes Est Une Fête, le 23 novembre 2007.
étudiants en grève contre la loi LRU, ce jeudi 22 novembre 2007 à Nantes et apporte sa modeste
contribution à qui veut la lire. Ce texte vaut communiqué de presse.
Penser la énième crise étudiante
Aujourd’hui, dans le contexte de l’hyper-présidence française, appuyée à la fois sur
une omniprésence médiatique singulière et sur le dévoiement des principes
constitutionnels, il importe de continuer à penser les évènements et les dynamiques de la
société, au delà des poncifs et des préjugés. A l’observer dans ses qualités propres et ses
défauts, nous proposons de penser le mouvement étudiant contre la loi LRU comme autre
chose que le produit mécanique et dérisoire de l’immaturité et de la manipulation d’une
poignée d’étudiants de filières peu valorisées.
C’est d’abord une modification du regard des adultes insérés, à l’Université et
ailleurs, des journalistes, des autorités qui fait de l’étudiant gréviste, praticien du blocus,
un déviant. La mémoire des faits sociaux est bien faible et les comportements reprochés
aux étudiants d’aujourd’hui sont tellement en retrait des pratiques du passé que cela
pourrait en être risible. Ce que la société a autorisé, voire encouragé, il y a peu encore,
elle le dénie maintenant aux nouvelles générations. C’est ainsi que les temps changent et
que le contrôle social s’appesantit sur les nouveaux entrants dans la société. Nous ne
sommes plus dans une société de la bienveillance.
C’est ensuite le déni de l’état actuel de l’Université française, qui traverse, depuis
longtemps déjà, une grave crise morale et matérielle, et qui attend une vraie réforme,
radicale. Comment remobiliser l’Université, y développer bien mieux qu’aujourd’hui la
qualité, dans toutes ses composantes : excellence internationale, qualité de la recherche,
mais aussi qualité des enseignements, promotion sociale, insertion professionnelle,
formation sociale, culturelle et citoyenne, autour de la connaissance et du développement
humain. Anonymat, pauvreté matérielle, anomie, incohérences, retards de
développement, le nouvel arrivant peut empiriquement constater qu’il y a un gros
problème.
Ce constat de dégradation de l’Université française que décrit en détails, par
exemple, Xavier Dunezat, enseignant-chercheur démissionnaire, qui a préféré retourner
travailler en lycée - http://www.liens-socio.org/article.php3?id_article=2874 - porte
d’abord sur les défaillances en matière d’enseignement : désert relationnel, silence
informationnel, conflictualités multiples, dédain des trois premières années de formation,
mépris des étudiants, les conditions d’un bonne construction des enseignements pour les
étudiants et d’une bonne appréciation des étudiants eux-mêmes ne sont pas réunies. La
seule valorisation de la recherche dans les carrières des personnels agit aujourd’hui
comme un outil de destruction des enseignements offerts aux étudiants, notamment des
premières années. Que dit la loi LRU sur ce point crucial, rien de consistant. Une
recherche reconnue internationalement peut-elle se construire sur des enseignements et
un rapport aussi désastreux aux étudiants et sur de si faibles moyens ? On peut penser que
la grève étudiante constitue elle-même une réponse implicite ou inconsciente à cette crise
objective de l’Université, car la grève est génératrice du lien social qui fait défaut au sein
de l’Université, paradoxe presque extravagant. La grève contre la réforme peut être tout
aussi bien entendue comme un appel à la réforme.
En effet, la loi LRU, quand on prend le temps de contrôler son contenu, est
typiquement un texte de l’ambiguïté. Appuyée sur la lettre du candidat Nicolas Sarkozy
aux présidents d’Université du 14 février 2007, acceptée cet été par des syndicats
étudiants en échange d’engagements financiers non tenus par le gouvernement, de l’avis
même du président de l’Université, elle a les allures du verre à moitié plein ou à moitié
vide. Oui, la loi LRU ne change pas fondamentalement le système universitaire et, en
même temps, elle autorise à son terme presque tous les changements possibles, prenant
alors l’allure d’un texte de dérèglementation sévère. A voter des textes ambigus, négociés
et acceptés sur des promesses ambiguës, on prend le risque de déployer l’ambiguïté dans
le réel. C’est à dire qu’on rend les débats et les prises de position ultérieures
particulièrement difficiles. Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent et le
gouvernement par la confusion est à l’évidence un mauvais gouvernement, producteur
des désordres qu’il dénonce.
Nous venons d’évoquer le regard méfiant sur la jeunesse, l’état lamentable de
l’Université française, une politique gouvernementale publicitaire et illisible, que chacun
peut relire à la lumière de l’autoritarisme solitaire du président de la République - la Loi
LRU devient alors un tout autre texte. Ces trois phénomènes se mêlent localement pour
produirent la situation conflictuelle que l’on connaît.
L’Université nantaise, énorme entité [comment pratiquer la bonne gouvernance
avec 32000 étudiants, 2800 personnels statutaires et 1400 vacataires ?] mais pas
spécialement bien placée dans le concert général des concurrences et des ressources
universitaires, qui attend toujours son véritable plan de rénovation, des investissements à
la hauteur de ses effectifs, qu’a-t-elle à gagner à l’application sarkozienne de la loi LRU ?
Sommes-nous dans le bon wagon ? Qui peut affirmer avec certitude que ce qui reste de
l’effet côte ouest suffira à nous faire monter dedans ? Pas le Conseil d’Administration de
l’Université de Nantes qui s’est prononcé très largement contre les principes de la loi
LRU en juillet 2007. Alors s’agit-il de toute autre chose ? D’un bon maillage du territoire
de la République avec des formations et une recherche de qualité, avec des moyens
dignes de ceux d’un pays développé, d’une vraie politique publique de la réforme ?
Pour clore notre modeste contribution à la lecture des évènements, les étudiants
grévistes, qui, finalement ont peut-être bénéficié d’une bonne formation en lycée, savent
que la démocratie est un ensemble de pratiques diverses et contrastées, dans lequel le
vote n’est qu’un outil parmi d’autres. Quelles autres catégories sociales arrivent à
pratiquer aujourd’hui des formes de démocratie directe respectant à la fois le face à face
et des normes d’échange librement construites ? Où est la maturité ? Dans notre société
plurielle, c’est la participation et la recherche de consensus construits sur des rapports de
force qui doivent primer sur l’affrontement. Matraquage médiatique, lock-out avec vote
électronique sommaire ou recours récurrent aux forces de police, dont le discrédit devient
alarmant auprès des jeunes générations, ne concourent pas à la recherche du consensus, à
la formulation d’un contrat social local entre les différents acteurs. On ne peut à la fois
demander aux étudiants opposés à la loi LRU d’être plus organisés, plus fiables, de se
donner des représentants et les harceler. Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la
rage.
On pense bien à vous.
L’association Nantes Est Une Fête, le 23 novembre 2007.